Niccolo Somaschi, quantum of ambition
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16.1.2023
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Marie Dudicourt

Niccolo Somaschi, quantum of ambition

“Il faut voir l’ordinateur quantique comme la conquête spatiale du XXIe siècle ! L’ambition de Quandela est gigantesque et nous sommes conscients de la difficulté pour atteindre l’objectif. ”

Comment fait-on pour tomber dans la recherche et la course à la fabrication de l’ordinateur quantique ? Niccolo Somaschi est cofondateur et CTO de Quandela, top 3 du calculateur photonique quantique en Europe. Il nous partage son parcours, revient sur les enjeux colossaux que représente le marché et vulgarise la révolution scientifique que nous sommes en train de vivre !

Est-ce que tu as toujours voulu être scientifique ?

Pas vraiment, très jeune je voulais devenir joueur de foot, ça n’a pas marché alors j’ai décidé de travailler dans la science 😊 La physique était la discipline que je trouvais la plus intéressante. Elle cherche à résoudre les grands et les petits mystères, de l’univers à l’atome…

Quel a été ton parcours universitaire ?

J’ai fait mes études à Milan puis je suis parti en stage à Paris 7. Cette expérience m’a donné envie de faire un doctorat à l'étranger.

J’ai postulé à la bourse de thèse européenne Marie Curie. Ce programme vise à encourager la mobilité européenne des chercheurs. Je voulais découvrir comment la science était faite dans d’autres pays et voyager ! J’ai été pris et j’ai fait ma thèse en cotutelle entre l’institut de recherche photonique* FORTH en Crète et l’université de Southampton, en Angleterre.

*La photonique : branche de la physique étudiant la production, la manipulation et la transmission des photons (particule élémentaire qui composent la lumière), dont les applications touchent des domaines variés (l’éclairage, la défense, les télécommunications, la santé, etc.).

Quel était ton sujet de thèse ?

C’était sur la réalisation d’un dispositif photonique avec semi-conducteur hybride (organique et inorganique) et l’étude de ses propriétés non-linéaires avec la physique des lasers ultra-rapides. Ça a donné lieu à 4 publications, des conférences et des citations dans d’autres recherches scientifiques.

Pour moi, cette période a été fondamentale. Au-delà de l’apprentissage scientifique, c’est le moment où j’ai appris à gérer un projet du début à la fin dans un contexte de collaboration internationale et ça m’a beaucoup plu.

“Le doctorat, une expérience personnelle et professionnelle fondatrice.”

Post doctorat, tu t’installes à Paris où tu fais une rencontre déterminante pour la création de Quandela ?

Oui, je trouve une offre au CNRS. Paris était l’endroit parfait culturellement et géographiquement, j’avais envie d'y retourner. C’est là que je rencontre Pascale Sellenart, qui menait un projet très disruptif unifiant la technologie des dispositifs à semi-conducteurs et la photonique quantique.

“En alliant nos compétences, on a réussi à amener la performance de cet émetteur de lumière quantique a semi-conducteur à l’état de l’art à l’international !”

Les résultats ont donné lieu à une reconnaissance mondiale dans le milieu de la physique cette année-là (I.E. 2015). Des leaders d'opinion du secteur ont commencé à nous contacter pour collaborer et utiliser la technologie.

C’est dans ce contexte qu’on a créé Quandela avec Pascale et Valérian Giesz. Au départ, l’entreprise commercialisait cet émetteur puis on s’est lancé dans le développement de l’ordinateur quantique à base de photons.    

Pourquoi passer de la commercialisation de l’émetteur au développement de l’ordinateur quantique ?

Après quelques années de commercialisation, on s’est aperçu que le développement de l’ordinateur quantique photonique par les institutions académiques n’allait pas assez vite !

On a donc cherché les compétences qui nous manquaient pour pouvoir concevoir entièrement un ordinateur nous-même. Shane Mansfield nous a rejoint en 2020 pour lancer le développement des algorithmes, protocoles, et théories. En 2021, on lève 15 millions avec Omnes Capital, Quantonation et Bpifrance. Puis Jean Senellart, alors CEO de Systran, nous rejoint en tant que CPO. Il apporte une expertise en software, IA, solutions cloud et en gestion d’entreprise en hypercroissance à l’international.

émetteur de lumière quantique à semi-conducteur Quandela

En quoi l’ordinateur quantique est-il révolutionnaire ?

Le quantique permet de résoudre des calculs inaccessibles aux ordinateurs standards. C’est un véritable changement de paradigme qui impacte de nombreuses industries comme la pharma, l’énergie, l’aérospatial, la finance ou encore la défense. Par exemple, un calculateur puissant pourrait vaincre les systèmes de cryptages actuels et aller jusqu’à poser des problèmes de sécurité nationale.

“Le quantique va aussi avoir un impact énergétique majeur.”

Là où aujourd’hui il faut des heures de calculs et des Mégawatts de puissance pour résoudre une équation complexe, une machine de calcul quantique pourra le faire en un temps beaucoup plus court, en quelques minutes, et pour seulement quelques Kilowatts.

“Le marché du calcul quantique était de 1 milliards de dollars en 2021 et les projections prévoient des dizaines de milliards en 2025, puis des centaines en 2030.”

Quelle est la maturité du marché du calcul quantique aujourd’hui ? Que sommes-nous sommes capable de faire ?

“Il n’existe  pas d’inconnues physiques ni de blocages théoriques pour arriver au sacré graal, l’ordinateur quantique universel ; nous sommes face à des enjeux d'ingénierie."

Les premières machines de calcul quantique commencent à être développées. Il s’agit de machines peu puissantes qui ne démontrent pas encore d’avantages compétitifs sur des problèmes industriels. Elles permettent de développer la programmation, qui est spécifique aux ordinateurs quantiques, et de tester les algorithmes.  

“L’objectif est de développer LA machine de calcul quantique universelle, reprogrammable et corrigée pour 2030.”

La machine sera capable de résoudre n’importe quel algorithme, y compris ceux auxquels on n’a pas encore réfléchi… Avec un taux d’erreur très faible. D’ici 2025, des démonstrations devraient fonctionner sur certaines applications industrielles spécifiques.

Comment pouvez-vous prévoir ce délai ?

On ne le sait pas précisément ! Ces prévisions sont basées sur l’avancement technologique.

“Il faut voir l’ordinateur quantique comme la conquête spatiale du XXIe siècle !”

Comment s’inscrit Quandela dans la compétition globale ?

Il existe plusieurs technologies pour fabriquer un ordinateur quantique, la photonique est l’une de ces méthodes. Une des plus prometteuse, car déjà utilisée deux fois pour montrer la suprématie quantique sur le calcul.

“Quandela est dans le top 3 des leaders en photonique.”

On fonctionne par étape, notre ambition est de montrer un avantage sur certaines applications tout en avançant sur la fabrication de l’ordinateur universel d’ici 10 ans.

Quel est votre modèle économique ?

On commercialise plusieurs offres  :

  • De l’accompagnement, pour  l’entreprise qui souhaite développer son cas d’usage.
  • L’accès à l’ordinateur quantique par le cloud. Et ça c’était pas facile ! Le lancement a eu lieu en Novembre, il s’agit du premier cloud d’ordinateur quantique en France et le premier photonique en Europe.
  • La vente d'ordinateurs quantiques à des agences nationales pour leurs centres de calcul haute puissance.
  • Les composants quantiques à des labo de recherche privés et publics.  
“En donnant accès à nos clients à l’ordinateur quantique par le cloud, on entre dans la cour des grands !”

En face, les compétiteurs sont IBM, Google, Intel ainsi que des start-ups américaines dont le financement dépasse plusieurs centaines de millions de dollars.

Quelle est  l’ambiance de travail chez Quandela ?

L’équipe est incroyable et très motivée ! L’ambition est gigantesque et nous sommes conscients de la difficulté pour atteindre l’objectif. L’ambiance est très saine, l’équipe est humble et solidaire, on partage les succès et les difficultés ensemble. Mener ce projet collectif est ce que j’aime le plus dans mon travail aujourd’hui.

A quoi ressemble ton quotidien de CTO-cofondateur ?

Ouch ! Les semaines sont courtes et denses ! Chaque semaine, j’alterne entre, le suivi des équipes techniques, les discussions stratégiques avec les cofondateurs, et les managers ainsi que les discussions avec les partenaires commerciaux, industriels et scientifiques. Je fais également une veille sur les avancements technologiques à l’international et contribue à de nombreuses conférences.

Tu es passé de chercheur à entrepreneur ! Est-ce que tu as rencontré des difficultés ?  

Bien sûr ! Presque tous les jours ! 😉 Au début, le plus difficile est de passer du simple multi-tasking au « multi-tasking et multi-domains ». Il faut être capable de régler un problème technique au laboratoire puis de discuter des enjeux business d’un client dans la même journée. Le spectre de responsabilité, et de compétences requises, dans la recherche n’est pas aussi large.

De la même manière, la communication dans l’équipe présente un gros challenge. On compte des profils scientifiques, business, RH, administratifs, etc. Chacun a son propre jargon et la communication est clé pour une bonne collaboration ! Il faut comprendre les besoins et les attentes de chacun pour adapter sa façon d'interagir.

Enfin, le dernier challenge est de préparer les prochaines étapes de croissance. Comment anticiper structurellement, financièrement et de manière pratique ?

“Dans 3-4 ans, la boîte dépassera 200 personnes, il faudra lever plusieurs dizaines de millions pour se donner les moyens de notre ambition.”

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